Bienvenue à Gattaca présente une société dans laquelle la science et la technologie ont été dévoyées pour servir un pouvoir coercitif.
- La probabilité statistique (le risque de développer certaines maladies, physiques ou psychiques, d'après l'ADN de l'individu) y est considérée comme une loi prédictive : la police refuse ainsi d'envisager, dans le cadre d'un meurtre, la culpabilité d'un homme au profil génétique non porté sur la violence, tandis qu'un enfant qui présente le risque de mourir d'une maladie cardiaque à l'âge adulte se verra refuser une place en crèche pour des questions d'assurance. La société assigne dès lors une place et un statut à chacun en fonction de son capital génétique, et la police constitue le bras armé du contrôle des populations. Des tests biologiques invasifs sont opérés sur chaque individu, soupçonnés ou non. Un entretien d'embauche consiste en une simple analyse ADN.
- Sur le plan relationnel, les individus collaborent à cet état de fait : dès le premier baiser échangé entre amoureux, il est d'usage d'aller faire analyser la salive du prétendant pour vérifier que celui-ci ne souffre d'aucune tare cachée...
- Cette société inégalitaire, techniciste et de contrôle ne laisse pas de place à la liberté individuelle. La sélection biologique instrumentée et outillée par les technologies génétiques enferme l'existence de chacun dans un destin, et malheur à qui cherche à s'en écarter.
- Le film met également en perspective la notion de bonheur : qui, de Vincent, le non-valide aux grands rêves, ou de Jérôme/Eugene, qui se croyait destiné à être un champion mais ne l'est pas devenu, est le plus heureux ? Qui, de Vincent ou d'Anton, est finalement le plus fort et le plus courageux ? Qui parvient à donner un sens à sa vie ? Qui, de Vincent ou d'Irene, ose vivre en dépit des risques encourus par un cœur imparfait ? Ces questions montrent combien l'accession des personnages au bonheur engage leur liberté, ne pouvant se réduire à la conséquence mécanique des promesses de la sélection biologique.